Un sirop d’érable grand cru? – mars 2012

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Le journal de la communauté universitaire ÉDITION DU 15 MARS 2012
Volume 47, numéro 24

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Photo: Lisa Nadeau/La Ferme Martinette

La sève qui coule dans un érable sain est pratiquement exempte de microorganismes. L’inoculation se produit au moment de son passage dans l’entaille et dans la tubulure. Après avoir transformé la sève, la microflore est détruite lors de la fabrication du sirop.

Un sirop d’érable grand cru?

Contrôler la biotransformation de la sève ouvrirait la porte à une appellation d’origine contrôlée pour le sirop d’érable

Par Jean Hamann

Si la sève d’érable était exempte de microorganismes, le sirop qu’on en tirerait ne goûterait pas «l’érable». En effet, c’est la biotransformation de la sève par les bactéries et les levures présentes dans les érablières qui confère au sirop d’érable une bonne partie de ses flaveurs. Une thèse de doctorat déposée il y a quelques mois au Département des sciences des aliments et de nutrition de l’Université Laval par Marie Filteau apporte un nouvel éclairage sur l’abondante microflore présente dans la sève d’érable et laisse entrevoir la possibilité de contrôler les caractéristiques du sirop en modulant la composition de cette microflore.

L’étudiante-chercheuse, qui a mené ses travaux sous la supervision de Denis Roy et de Gisèle Lapointe, a analysé la structure des populations microbiennes trouvées dans la sève de 19 érablières réparties dans six régions du Québec. Une centaine d’espèces de bactéries et de levures avaient déjà été répertoriées dans la sève d’érable; grâce à des techniques d’analyse génomique, Marie Filteau en a découvert 35 nouvelles. Plus important encore, elle a établi un lien entre la présence de certains microorganismes et des flaveurs typiques du sirop d’érable. «Nous n’avons pas démontré une relation de cause à effet, mais lorsque ces microorganismes sont présents, le sirop est meilleur», commente-t-elle.

Ses recherches révèlent que cinq espèces seraient communes à toutes les érablières étudiées. Pour le reste, chaque érablière aurait une signature microbienne propre qui dépendrait des conditions locales et peut-être même de l’acériculteur qui pratique les entailles. En effet, la sève qui coule dans un érable sain est pratiquement exempte de microorganismes; l’inoculation se produit au moment de l’entaillage. «Même si des mesures d’hygiène sont appliquées, les conditions ne sont pas stériles, souligne Marie Filteau. Les microorganismes présents sur l’écorce, sur les outils et même sur les mains des acériculteurs se retrouvent dans l’entaille, sur le chalumeau et, éventuellement, dans la tubulure où ils forment un biofilm.»

Si certaines espèces ont des effets positifs sur la sève, d’autres en altèrent la saveur au point d’en réduire la valeur marchande. Il y a donc un équilibre délicat à maintenir dans la microflore de la sève. «Il faudrait être en mesure d’éliminer les espèces indésirables et d’inoculer la sève avec celles qui améliorent les caractéristiques du sirop», résume Marie Filteau.

Ainsi, chaque printemps, un producteur pourrait nettoyer à fond la tubulure de son érablière et tremper ses chalumeaux dans une solution contenant des microorganismes favorables. «Des échantillons de la sève qui a produit le meilleur sirop une année donnée pourraient être congelés pour servir d’inoculum le printemps suivant.» La stabilité des communautés microbiennes contribuerait au maintien de la typicité et pourrait conduire à une appellation d’origine contrôlée, ce qui donnerait une valeur ajoutée aux produits de l’érable québécois, avance la chercheuse.

Avant d’en arriver là, il faudra encore peaufiner les connaissances sur la microflore de la sève et les flaveurs du sirop d’érable, prévient-elle. «C’est un sujet très complexe parce qu’il dépend de nombreuses interactions entre les microorganismes et les molécules de la sève.» Ce n’est pas d’hier que des chercheurs tentent de percer les secrets du sirop d’érable. D’ailleurs, la première thèse en sciences réalisée à l’Université Laval, signée par Arthur Labrie, s’intitulait Contribution à l’étude de la matière aromatique des produits de l’érable. C’était il y a 80 ans exactement.

 

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